CAHIER DE DOLÉANCES DES PRÉVÔTÉS BAILLIAGERES DE SARREBOURG ET DE PHALSBOURG

3. Tiers État.

Cahier de doléances
Demandes et plaintes communes et générales.(suite)

Demandes particulières et locales.


   ART. 1. - La ville de Sarrebourg demande la suppression du droit prétendu et connu en la dite ville sous la dénomination du droit de Vogthaber (1) exigé par le domaine et ses engagistes, laquelle sera instamment sollicitée et poursuivie par tous les moyens que la justice, les grâces et les bontés du roi peuvent admettre, d'ailleurs comme étant un droit injuste qui monte annuellement à plus de huit cents livres et qui n'est supporté et payé que par la classe des bourgeois les plus pauvres, attendu que les ecclésiastiques, les nobles, les officiers de justice, de police et municipaux s'en prétendent exempts.

   ART. 2. - Que la ville de Sarrebourg sera conservée et maintenue dans le droit et privilège qu'elle a de ne permettre ni souffrir l'établissement ni la demeure d'aucun Juif en la dite ville, conformément au traité fait entre elle et le duc Jean de Lorraine du 2 novembre 1464 (2).

    ART. 3. - Que l'arrêt du Conseil du 12 février 1731, qui défend aux Juifs de vendre, trafiquer et débiter des marchandises dans aucunes villes et lieux du royaume autres que celles où ils sont domiciliés, conformément aux lettres patentes du mois de juin 1723, sera exécuté suivant sa forme et teneur.

   ART. 4. - Que l'imposition à laquelle la ville de Sarrebourg a été assujettie pour tenir lieu de la corvée et de la confection des routes, sera supprimée à son égard, attendu que le duc de Lorraine, par un traité fait entre lui et la ville du 2 novembre 1464, s'est spécialement chargé de l'entretien des routes à son extérieur en échange et moyennant le droit de péage, qui appartenait à la ville, qu'elle a cédé au duc et dont lui et ses successeurs souverains ont joui jusqu'à présent, conformément à la délibération de la municipalité jointe ici en copie  (3).

   ART. 5. - L'établissement d'un corps de caserne pour la cavalerie en la ville de Sarrebourg, très utile au service du roi à raison de l'abondance et de la qualité des fourrages, la bonté des eaux et l'avantage tant de la ville que des villages et communautés en dépendantes, à raison que les premiers sont foulés par les passages réitérés des troupes, et qu'il en résulte pour les derniers un débouché avantageux pour la consommation de leurs denrées et un bien pour l'agriculture; à cause des engrais et fumiers qu'elle procurera, que d'un autre côté les villages avoisinant Sarrebourg sont aussi chargés du logement des troupes de passage, ce qui est un surcroît d'impôt pour eux, attendu qu'ils sont dans le cas de fournir aux troupes, le bois, le sel et la lumière.

   ART. 6. - La ville de Phalsbourg, n'ayant pour tout bien patrimonial qu'un droit sous la dénomination de hallage, affermé à mille soixante livres, et se trouvant grevée de beaucoup de charges, demande que la continuation du droit de gabelle qu'il a plu à Sa Majesté lui concéder lui soit accordée à perpétuité sans aucune redevance, cet objet n'étant qu'une indemnité des terrains que le roi s'est appropriés, et au cas que le dit droit de gabelle soit supprimé ou modifié, Sa Majesté avisera aux moyens les plus propres à donner à la ville la faculté de subvenir à ses charges.

   ART. 7. - Demander que les invalides fort nombreux, retirés en la ville de Phaisbourg et dont la plupart fait commerce, soient assujettis aux mêmes charges que les autres habitants.

   ART. 8. - Dans le cas qu'on n'obtiendrait pas l'expulsion des Juifs hors du royaume, la ville de Phaisbourg demande, conformément a ses privilèges, que les trois maisons qui avaient été assignées aux Juifs soient seules occupées par celle nation, et que celles qu'ils ont acquises en conséquence des permissions qu'ils avaient obtenues du gouvernement et de l'Intendant, soient dans l'année vendues aux citoyens de la ville.

   ART. 9. - Représenter qu'anciennement il y avait deux foires établies à Phaisbourg qui sont tombées en désuétude, en demander le rétablissement avec toutes franchises, de trois jours chacune, dont l'une à fixer au premier lundi de mai et l'autre à celui de novembre de chaque année.

   ART. 10. - Que lors des adjudications à faire des bois dans les forêts du roi, les adjudicataires soient attenus de fournir et délivrer sur les différents chantiers de cette ville et des communautés de son arrondissement, à un prix fixe et déterminé, la quantité de bois de chauffage nécessaire et à fixer pour leur consommation, avant de pouvoir en transporter dans aucune province étrangère ou voisine.

   ART. 11. - Dans le cas qu'il ne plairait au roi et aux Etats généraux de statuer sur la suppression des banalités, demander que l'engagiste censitaire ou fermier des moulins banaux de Phaisbourg situés à Lutzelbourg soit attenu de faire et entretenir un chemin convenable pour y parvenir, et qu'il soit obligé de charger les grains et d'en reconduire les farines chez tous les sujets baniers.

   ART. 12. - Demander à ce qu'il suit défendu à toutes personnes de quelques qualités elles puissent être et notamment au commis du fermier Haquin de nommer et établir aucuns bangards d'office dans le ressort de la prévôté de Phaisbourg que préalablement il n'en ait été donné connaissance aux habitants, a l'effet de connaître et apprécier si les dits bangards à nommer sont de qualités requises pour en faire les fonctions.

   ART. 13. - Les deux prévôtés de Sarrebourg et Phaisbourg demandent chacune un bailliage, la première prévôté parce qu'elle se trouve au milieu et au centre de beaucoup de villages qui sont autant de hautes justices dont on demande la suppression et la seconde parce qu'elle a déjà dans son ressort douze villages et qu'elle est établie dans une ville de guerre fortifiée.

   ART. 14. - Demander la suppression des droits connus sous le nom de droit réservé et réunir ceux tenant lieu du don gratuit, imposés sur les villes, les sols pour livres imposés sur les octrois, lesquels sont multipliés au point qu'ils excèdent le capital et anéantissent les revenus des villes.

   ART. 15. - Le village de Hoff situé à une petite demi-lieue de Sarrebourg où logent les troupes de passage, contribue chaque fois à ce logement. Le chemin qui y conduit étant souvent impraticable à cause des débordements de la Sarre, il a été pratiqué depuis plusieurs années une route avec quatre ponts dont l'entretien est intéressant. Cette communauté demande que cette route soit mise, pour l'entretien, dans le nombre des autres roules de la province, comme étant destinée principalement au service du roi. Cette demande lui est commune avec les villages de Bûhl, Imling et Réding, pour lesquels il vient aussi d'être construit des routes et qui sont également assujettis au logement des troupes.

   ART. 16. - Le village de Bühl ayant été divisé en deux parties par le traité de la Route, une de ces parties est de la généralité de Metz, l'autre de la province de Lorraine. Cette division est une source continuelle de contestations et de procès, chaque partie voulant s'attribuer des droits et ne pas contribuer aux charges communes. La distinction de ces deux parties ne doit plus avoir lieu depuis la réunion de la Lorraine au royaume : il serait du plus grand avantage de celte communauté d'être réunie sous un même régime.

   ART. 17.- II a été établi sur les territoires de Lezey, Juvelize et Donnelay des canaux pour la conduite et le flottage des bois employés à la saline de Moyenvic. Ces canaux n'avaient et ne devaient avoir originairement que dix pieds de largeur. L'entretien en ayant été négligé par la ferme générale qui en est chargée, ils se trouvent aujourd'hui larges de vingt à vingt-cinq pieds, et lorsqu'il y est fait quelques réparations, c'est au détriment des terrains qui les avoisinent et surtout des prairies dans lesquelles on enlève des gazons pour revêtir l'es bords de ces canaux, indépendamment des dommages occasionnés dans les récoltes de toute nature. Le flottage se fait ordinairement au moment de la récolte des foins, les prés sont inondés et le fourrage perdu. Cet objet doit être pris en considération pour y porter remède.

   ART. 18. - Ces canaux sont encore un objet de vexations pour les habitants, attendu que l'on fait des reprises et des rapports contre les propriétaires des bestiaux qui vont y boire.

   ART. 19. - Demander pour les communautés de Lezey, Juvelize, Gelucourt et Donnelay la suppression de la corvée à laquelle ils sont attenus pour la conduite gratuite des bois de l'état-major de la ville de Marsal.

 

(1) Le mot Vogthaber vient des mots allemands Vogt (voué) et Haber (Hafer = avoine). Les documents l'appellent aussi Fogthaber, Fauthaber. C'était un droit de protection, "d'advocatie",  "de vouerie", que les évêques de Metz, autrefois seigneurs de la ville, s'étaient réservé en promettant aux bourgeois de les protéger et "de les relever et porter quittes de tous impôts".  Ce droit "d'avoine d'avocatie", dont le Chapitre a été exempté plus tard, le 16 avril 1586, par le duc de Lorraine, rapportait annuellement cent livres messines et cent résaux. Lorsque la ville eut passé sous la domination de la Lorraine, elle pria maintes fois l'autorité de maintenir les habitants en leurs anciens droits
(2) L'article XV de ce traité dit : " Nous, nos héritiers voulons et entendons qu'il ne pourra jamais s'établir aucun Juif à Sarrebourg et qu'il ne puisse être permis à aucun d'y demeurer. "
(3) L'article XVI de ce traité dit : " Et comme la ville de Sarrebourg a depuis longtemps perçu un droit de passage, les habitants nous ont cédé ce droit pour nous et nos héritiers, d'autant plus que nous sommes intentionné de transporter et faire percevoir à Sarrebourg le droit qui se paie A Rohrbach, bailliage de Dieuze. Au surplus nous engageons et promettons pour nous, nos héritiers de faire traverser par Sarrebourg la grand'route qui passe à côté de cette ville et Hoff (au sud de la ville, devant l'ancienne porte de Hesse, dont les derniers restes ont été enlevés en 1930)... Nous entretiendrons le chemin hors de la ville.

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