CAHIER des PLAINTES et DOLEANCES
  15 mars 1789
(Partie  Lorraine)

Communauté
de Bille
 

 
           Cahier des Plaintes et Doléances Présenté par la Communauté de Bille Partie de la Lorraine du Bailliage Royal de Dieuze savoir ;    

Premièrement qu'aucun sujet du Roy ne puisse être arrêté en vertu des lettres de cachets ;

2"  La refonte et réformation, de la justice civile et criminelle, et notamment le retranchement de nombre de formalité coûteuse inutile surtout dans la justice subalternes ;

3"  Que toutes les lois qui auront action, sur la liberté la vie l'honneur des sujets du Roi et leur prospérité seront nécessairement consenties par les États généraux ;

4"  Que la juridiction, fiscale autrement nommée la Commission de Reims, ou tout autre tribunal créé à l'instar seront supprimés ;

5"  Que les États généraux prochains soient tenus de s'assembler pendant plusieurs années de suite s'il est nécessaire pour compléter et perfectionner l'administration, la législation, et corriger les sabus, et ensuite la renouveller tous les trois ou quatres ans ;

6°.  Que les Etats particuliers ne pourront jamais accorder aucun impôt, ce qui sera pleinement réservé aux Etats généraux ;

7°. Que l'administration, des routes et des chemins publics et leur entretien soient rendus aux Etats généraux ;

8°.  Que le sel sois rendu libre et marchand et délivré de toute prohibition ;
 
(consulter la
seconde feuille)
 

9"  Que les Impôts et les charges pécuniaires qui seront consenties par les Etats généraux seront supportées par le Clergé, la Noblesse et le Tiers Etat sans aucune distinction, excepté celle qui sera observée dans la répartition, d'un chacun si la proportion, à ses richesses et facultés ;

10"  Que la foraine tout droit de transit d'une province ou d'un lieu quelconque à l'autre dans l'intérieur du royaume soient abolis, sauf à établir le tarif général aux frontières ;

11"  L'abolition de la loi qui a établi des huissiers priseurs en titre d'office, et le remboursement de ceux qui en sont pourvus ;

12"  Que les municipalités ou préposés des Communautés aient le droit de faire les inventaires, et de faire les adjudications nécessaires des réparations aux bâtiments, ponts, etc..., qui sont à la charge des Communautés, la justice manquant par la multiplicité de leurs courses et de ses frais en tout ou en grande partie, pour le peu qui devait rester à la veuve  et aux orphelins ;

13"  L'abolition, de la loi  qui a établi un impôt sur les cuirs et fers, étant ruineux pour les sujets du roi et de peu d'utilité et de ressources pour  l'état à cause de la grande dépense qu'entraine la perception ;

14"  Que l'Edit qui permet des enclos soit annulé, et qu'il soit permis à tout chacun de profiter de ses biens sans être enfermé; comme il est d' usage en Alsace et autres provinces ;

15"  Que le nombre de juifs habitant la province de Lorraine soit de nouveau circonscrit sans pouvoir jamais être augmenté, et qu'ils soit soumis aux règlements établis pour les juifs d'Alsace du 10 juillet 1784 ;

 
(consulter la
troisième feuille)
 
16"   Qu'il plaise aux Etats généraux ordonner une loi sanctionnée par le Roy par laquelle il soit permis vi alti domini  que sa majesté a sur ses sujets à tout habitant de prêter à cinq pour cent sous seing privé et par simple billet, comme la chose se pratique en toute sûreté de conscience en Alsace et pour toute l'Allemagne, ce qui empêcherait la ruine de plus en plus de la moitié des familles de campagne, qui, ne pouvant trouver de l'argent chez leurs concitoyens à cause de cette gêne s'adressent ensuite aux juifs auxquels outre les tromperies, ils se trouvent forcés de payer douze pour cent et même de plus ;

17°  Que les droits des châtreurs soient supprimés comme dans les provinces voisines; ces gens gênant beaucoup les habitants de la campagne ;


18°  Que les députés des Etats généraux représentent  l'état misérable dans lequel nous nous trouvons occasionnés par les usines à feux desquelles nous sommes environnés de toute part et qui détruisent totalement toutes les forêts; il y a seulement dans l'étendue de deux lieues d'arrondissement cinq usines qui consument des bois sans nombre et qui rendrait toute une province malheureuse si elles n'étaient pas incessamment abolies ;

19°  Que les députés et habitants de cette Communauté demanderont la séparation du bailliage de Dieuze pour être réunis avec la Communauté dudit Bille partie de France, qu'étant au surplus qu'un village et formant deux différentes communauté, ces deux communautés étant continuellement en contestation, et en procès pour différents objets, ce qui fait un grand tort et ruines aux habitants des deux communautés, et leur entraîne un grand nombre de frais inutiles ;

20"  Que l'édit concernant les décimateurs qui a condamné les Communautés à reconstruire les nefs des Églises à neuf, soient supprimé, que ces décimateurs sont sont la plupart des étrangers de l'Ordre Teutonique et autres, qui entrainent les deniers provenant des dîmes hors du royaume ce qui porte un grand préjudice aux sujets du Roy ;
 
(consulter la
quatrième feuille)

21"  Que les habitants de cette communauté demanderont d'être soulagés des tailles du Roy qu'étant en général tous pauvres pour cause de mauvais sols du terroir, que tous les terres, prés, maison et jardins y attenant, et autres du finage appartenant aux habitants sont affectés et acensées envers le domaine seigneurial du lieu, chaque jour de terre emblavé de blé lui lui paie annuellement un boisseau de blé, celui en avoine un boisseau d'avoine, chaque fauchée de blé à sept sols six deniers, les maisons et jardins y attenant le moindre chargé de deux livres quatre jusqu'à six livres, en ce non compris les droits de corvées que chaque laboureur est obligé de payer aussi annuellement de six livres dix sols, le manoeuvre moitié, la veuve moitié du manoeuvre, ce qui est une grande charge pour les habitants, que beaucoup d'autres communautés ne sont pas sujettes à pareil cens, qui ont d'ailleurs un meilleur terroir, cette communauté est en outre sujette au logement des passages des troupes de sa majesté que d'autres bonnes communautés ne le sont pas, il en coûte pour le passage d'un régiment à cette communauté au moins cent livres, qu'ayant logé aux années précédentes jusqu'à quatorze fois par an, cela ne peut faire qu'un grand objet à cette pauvre communauté ;

22°  Cette pauvre communauté qui n'a aucune ressource ni revenus communaux, demanderait l'assistance des deniers qui sont en caisse des ponts et chaussées pour la reconstruction, d'un pont qui est utile pour toute la contrée de la montagne voisine, que les grandes eaux ont emmené aux années précédentes, qui traversait la rivière, que pour ladite construction, de ce pont la communauté n'est aucunement en moyen de le rétablir sans le secours, et qui est une grande nécessité ;

23°  La même communauté demande qu'il leur soit accordé la jouissance de la vaine pâture qu'ils avaient depuis un temps immémorial dans deux cantons de fôrets situés sur ledit finage, l'un dénaturé il y a quelques années, l'autre que l'on exploite présentement, le premier a été mis en enclos, ce dernier qu'il se propose aussi à enclore, demande en outre de ladite communauté que les troupeaux appartenant au seigneur du lieu soitent fixés de la consistance qu'il leur est permis de faire valoir sur les pâquis, forêts et autres ;

 
(consulter la
cinquième feuille)

    Fait et arrêté en pleine assemblée de communauté audit village de Bille aujourd'hui quinze mars mil sept cent quatre vingt neuf ; la municipalité avec les députés et habitants signés et marqués, après lecture et interprétation, des contenus des présentes, et ledit cahier composé de quatre feuilles de papier dont quatre pages écrites.

 Michel Beche ; Stephan Dessinger ; Jacob Muller ; Antoine Pierron ; Louis Manière ; Lorentz Martzloff ; Nicolas Klein ; Melkior Kern ; Pierre Kieffer - ; André Geoffroy ; (au total : 14 signatures).


   
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