Debout,
derrière la table de la salle communale, Monsieur François Faure, Maire de Buhl,
annonce aux conseillers ainsi qu'aux dix plus imposés de la commune qu'il a adressé
à M. le Préfet une pétition "tendant à procurer à la commune une pompe à incendie". En ce dimanche après-midi de début de printemps, les notables, puisque convoqués extraordinairement, s'attendent à une demande de contribution financière mais pour une pompe à incendie, voilà qui est inédit ! François
Faure, Maire élu depuis 1816 est âgé de 48 ans. Cet officier de réserve, ayant
suivi Napoléon 1er sur les champs de bataille de l'Europe, sachant commander,
manuvrer et au courant des dernières techniques, arrive à convaincre l'assemblée
en s'appuyant sur les instructions du Préfet de "l' importante nécessité
de se procurer une pompe à incendie, argumentant que la commune a subi
quatre incendies en l'espace de deux années et que sa position sur la Bièvre,
jointe à une population de 800 âmes, lui permettrait d'éteindre seule le feu". Ce plan de financement ne convient malheureusement pas au Préfet et encore moins aux habitants démunis, de sorte que le Maire lui-même n'y donne pas suite "pour ne pas grever la commune" (sic). Le dernier dimanche du mois d'avril 1823 réunit à nouveau nos conseillers bien intéressés, semble-t-il, par l'achat d'une pompe, "objet indispensable aujourd'hui " Sûrs
d'obtenir gain de cause, ils rappellent au Préfet une seconde fois "que
la commune par la position de la Bièvre pourrait, à l'aide d'une population
de 800 âmes éteindre seule le feu, lui joignent aussi les éloges mérités qu'ils adressent (déjà) aux habitants de la Ville de Sarrebourg qui dans plusieurs
circonstances ont témoigné tant d'empressement à secourir cette commune" et
lui soumettent le plan de financement suivant : De la sorte, le conseil remet entre les mains du Maire 825 fr. par anticipation, mais 240 fr. sur le champ auxquels Monsieur Faure, sans doute touché par le geste généreux des buhlois, "veut bien y ajouter 100 fr." de sa poche. Ce plan n'exposerait plus la commune a une imposition extraordinaire (les 400 fr.). La bonne formulation pour conclure cette séance pleine d'espoir demandant réflexion, le secrétaire M. François Gaertner, maître d'école, en profite pour retailler minutieusement sa plume d'oie. Enfin, il la trempe dans l'écritoire et conclut : " Cette démarche bien méditée faciliterait à la commune l'avantage d'obtenir cette année une pompe à incendie. Le Maire en traitant avec le maître pompier lui remettrait ses trois dernières sommes formant 340 fr. comme acompte provisoire ". C'était brûler les étapes aux yeux de la tutelle administrative et aussi de certains administrés mécontents. La délibération est annulée. Dans
la semaine, le Maire fait appeler le "bangard" pour porter, à toute pompe, une
nouvelle convocation. Le dimanche suivant, les élus un peu échaudés s'en tiennent,
cette fois-ci, aux seuls revenus disponibles de la commune, c'est-à-dire les 137
fr. 50 annuels du terrain dit Hombesch adjugé sur six ans, qu'ils "présument
suffisants pour l'acquisition projetée" ! Mais là, M. le Préfet prie les membres
élus de retourner sur les bancs de l'école pour reprendre leurs calculs devant
le boulier. De cet ordinateur de l'époque on a vite épuisé les ressources et le
problème reste posé en entier.
En effet, la réponse du conseil municipal au Préfet tarde et n'est transmise que l'année suivante. Polie, elle est aussi un modèle en matière de diplomatie. Datée du 4 avril 1824, elle dit : " Le conseil municipal de Buhl considérant que par la délibération du 4 mai 1823, la commune aurait été flattée de se procurer une pompe à feu, qu'à cette époque l'assemblée ignorait que la maison presbytérale se trouvait dans une dégradation complète, (...) cette charge imposée à la commune dans le courant de la présente année a déterminé l'assemblée à annuler, quant à présent, l'acquisition d'une pompe à incendie".
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