CAHIER
DE DOLÉANCES DES PRÉVÔTÉS BAILLIAGERES DE
SARREBOURG ET DE PHALSBOURG
INTRODUCTION
Chapitre
II - Les Cahiers
2.
FORME (suite)
Ce
manque de connaissance de la langue française nous apparaît aussi dans
les signatures des cahiers mêmes ou des procès-verbaux.
Beaucoup d'habitants, notamment dans les communes situées autour de
Phalsbourg, se sont servis, pour signer, de caractères gothiques et
ont écrit leurs noms et prénoms comme on les prononçait au village,
c'est-à-dire en allemand.
Quant à ceux qui ont écrit leurs prénoms en français, p. ex. Antoine,
Jean, Jacques, etc., rien ne nous autorise à admettre chez eux plus
de connaissances linguistiques que chez les autres, parce qu'on portait
volontiers les noms inscrits dans les registres paroissiaux, qui depuis
l'annexion de 1661 étaient généralement rédigés en français.
Plusieurs
cahiers nous paraissent avoir été conçus en allemand et traduits ensuite
en français.
Plusieurs communautés ont deux cahiers distincts qui
se ressemblent ou un grand cahier avec un petit supplément : ce sont
Garrebourg, Gelucourt, Lezey, Niderviller.
Quelques cahiers sont courts, comme ceux de Hoff,
Hultehouse, Imling, Juvelize, Lutzelbourg, Réding, Waltembourg.
D'autres sont longs, comme ceux de Brouviller, Danne-et-Quatre-Vents,
Garrebourg, des villes de Phalsbourg et de Sarrebourg, où demandes générales
et particulières sont traitées par des intellectuels au courant
des grandes questions qui agitaient la France. Les cahiers généraux,
naturellement, sont aussi très développés.
Les deux cahiers de Héming et de Henridorff, dans lesquels on touche
à un certain nombre de questions auxquelles les simples particuliers
n'auraient pas pensé, ont probablement été rédigés par
le curé de la paroisse.
Le premier s'étend sur les trois ordres et expose ses plaintes et demandes
d'une façon originale.
Le second annonce brièvement au commencement les questions qu'il veut
traiter, et, après chaque plainte, il indique aussi le remède ; c'est
le cahier le plus moral, le plus clair, le plus pratique.
Comme sortant de l'ordinaire, il faut citer encore, outre les cahiers
généraux, ceux de Bébing, Donnelay, Mittelbronn et ceux des deux villes.
Certains
cahiers sont pleins du "plus tendre respect" vis-à-vis
d'un " roi juste et bon" (Bébing).
On y parle du "meilleur des rois" (Henridorff,
Héming), des "yeux du monarque si chéri et de sa divine bonté
" (Brouviller), de " l'incomparable Louis XVI (Héming),
on y dit qu'il n'y a "pas de nation au monde si heureuse
que le peuple français, qui ose s'approcher avec tant de confiance de
son souverain" (Héming).
Ces éloges et beaucoup d'autres, que nous pourrions citer, n'empêchent
pas, dans ces mêmes cahiers et dans d'autres, la manifestation du grand
mécontentement, au sujet des ordonnances iniques qui ruinaient le peuple.
C'est spécialement contre la ferme générale qu'on s'élève, "cette
hydre à sept têtes" (Héming), contre l'impôt sur le sel qu'on
appelle une "école de vol", "une cruauté " (Garrebourg),
contre "la manière barbare" de traiter les contrebandiers (idem).
etc.etc.