LouisXIV
en Roi-Soleil

    CAHIER DE DOLÉANCES DES PRÉVÔTÉS BAILLIAGERES DE SARREBOURG ET DE PHALSBOURG
INTRODUCTION

 Chapitre II - Les Cahiers  (suite)

§ 2. Cens et rentes.

 

 

   La cens était une redevance due annuellement par le vassal, en raison des terres qu'il tenait de son seigneur. C'était le plus général des droits seigneuriaux ; il caractérisait spécialement la terre roturière et était même dû pour les friches.
Les seigneurs étaient autrefois de grands propriétaires, non seulement du temps du servage, mais même dans les derniers siècles, particulièrement après les grandes guerres, où les terres abandonnées par suite du départ ou de la mort des habitants devenaient, d'après le principe :  "Nulle terre sans seigneur",  de droit leurs propriétés, sauf à les remettre aux héritiers, s'il y en avait.
Les titres sur lesquels les seigneurs s'appuyaient pour enlever aux habitants une partie de leurs revenus et que les communautés réclamaient sans cesse, n'étaient donc souvent pas autre chose que l'absence de propriétaire et leur qualité de maître de la seigneurie, qui leur donnaient, à chaque mutation de bien, le  "droit de revêture",  c'est-à-dire le droit d'en investir le nouvel, acquéreur ou l'héritier.
Les cens étaient très légers en général vers la fin du XVIIIe siècle, parce que le censitaire avait bénéficié de la diminution survenue au cours des années dans la valeur de l'argent. Le cens était imprescriptible, non rachetable, insaisissable, toutes choses contre lesquelles la population protestait souvent pour pouvoir devenir elle-même propriétaire absolue  (6).

   Plusieurs villages se plaignent de ces charges si lourdes et si multiples. Ce sont spécialement Bébing, Bühl, Héming, Imling et Réding, situés autour de Sarrebourg et dévastés entièrement pendant la guerre de 'Trente ans. Bébing dit que  "toutes les terres sont chargées envers le seigneur d'une rente"  et qu'il touche plus de 20 paires de résaux, "taille plus forte des deux tiers que celle qui se paye à Sa Majesté ".
 Bühl, qui 13 ans après la guerre était encore inhabité (1661), se plaint de ce que "les habitants de cette commune ne sont que les fermiers de leurs biens" , tout étant "affecté et accensé au domaine seigneurial du lieu".  Imling constate que "les particuliers n'ont pour ainsi dire aucune espèce de propriété ".

   C'est pour cela que le Tiers état des deux prévôtés réclame dans son cahier général
une diminution des cens énormes qu'elles payaient pour maisons, terres, prés, jardins. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que le cahier de Hoff, qui avait été également entièrement détruit, (il ne comptait que 15 habitants au commencement du XVIIIe siècle), ne porte aucune plainte contre les cens à payer : le Chapitre de Metz aura sûrement été plus indulgent que les seigneurs laïcs des autres villages (7).

 

(6) MARION, Dictionnaire, des Institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, , Paris, 1923.
(7) Die alten Territorien, op. cit., t. II, p. 363-364. Visite canonique de 1714.

retour