CAHIER
DE DOLÉANCES DES PRÉVÔTÉS BAILLIAGERES DE
SARREBOURG ET DE PHALSBOURG
INTRODUCTION
Chapitre
II - Les Cahiers (suite)
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§
3. La gabelle. |
Le mot gabelle est appliqué généralement à l'impôt sur le sel, mais
il désignait aussi d'autres impôts. Quelques auteurs le font dériver
de l'allemand Gabe, Abgabe, qui signifie tribut, redevance (8).
, Dans les cahiers des deux prévôtés, il se rapporte tantôt au sel tantôt
au droit perçu par le seigneur d'un ou de plusieurs pots de vin par
mesure que les aubergistes ou quelquefois même les particuliers payaient,
quand ils vendaient du vin ou d'autres liqueur p. ex. à Bourscheid,
Danne, Gelucourt, Kourtzerode, Lutzelbourg, Réding, Waltembourg (9).
Hommarting entend même par ce terme les marques de fer et de cuir. Brouviller
dit : "marques des fers et cuirs et autres gabelles" .
L'impôt sur le sel était le plus odieux et le plus
détesté de tous, et cette aversion se portait même sur les employés
de la ferme qui le levaient et se manifeste dans les cahiers par des
expressions et des phrases vraiment fortes.
Outre l'énorme surcharge du prix - 8 sols la livre pour
les villages annexés en 1661 - outre les déplacements pénibles
et longs qu'il fallait s'imposer pour s'approvisionner aux greniers
de Phalsbourg et de Sarrebourg, outre la mauvaise volonté des officiers
du grenier qui laissaient souvent les contribuables exposés aux injures
de l'air ou les forçaient à revenir, - le grand vice de
la gabelle était la diversité du prix dans les provinces -
en Lorraine, 6s. 3d., dans la province d'Alsace 2-3 sols -.
L'injustice était encore plus criante, parce que dans le pays même
des salines (Château-Salins, Dieuze, et Moyenvic), le sel livré aux
habitants de la contrée, sujets du roi, était, d'après l'aveu de l'administration
même, d'une qualité inférieure à celui distribué dans les autres pays
du royaume ; parce que sa fabrication rendait le bois de chauffage beaucoup
plus cher et que son transport quotidien en Alsace et dans les pays
voisins usait la grand'route qui, venant de Nancy ou de Metz, traversait
toute la prévôté (10).
Il y eut peu de provinces où le peuple fit une opposition plus
violente qu'en Lorraine et au pays de Sarrebourg à la perception des
droits du roi sur le sel, où les employés de la ferme furent plus menacés
ou maltraités. Les plaintes exprimées à ce sujet dans les cahiers des
communes étaient vraiment justifiées et ont été soutenues
par les cahiers généraux.
La contrebande dans cette matière s'exerçait sur
une grande échelle : pratiquée par tous, elle n'était plus regardée
comme une faute, mais comme un moyen de légitime défense contre une
mesure inique. Les procès au Parlement de Metz nous prouvent que quantité
de personnes des deux prévôtés, surtout de celle de Phalsbourg, succombaient
à la tentation du faux-saunage, d'autant plus forte que le voisinage
immédiat de la Lorraine et de l'Alsace le rendait si facile. La Route
étant peu large, bien des hommes étaient occupés dans les forêts de
l'Alsace et du Nassau ou conduisaient du bois à Saverne; des enfants
allaient dans ces pays demander l'aumône, et tous en rapportaient
du sel. En cas de réussite, la contrebande était vraiment lucrative.
(8) CHéRUEL, Dictionnaire historique des Institutions de
la France, Paris, 1855. Article Gabelle.
(9) Cf. WAGNER, p. 112-114, où se trouve, pour Sarrebourg, un
compte de la Gabelle (vin et bière) depuis la Trinité 1589 à la même
époque 1590. Le 24 septembre 1730, l'adjudication de cette Gabelle,
pour une durée de trois ans, a rapporté la somme de 5.300 livres.
Ibid; p. 257. Ce droit est appelé souvent banvin ou droit de cabaretier.
Dr MÖCKELT, op. cit., p. 84, Umgeld. ou Ungeld. MARION, op. cit.,
p. 368. L. BOUR, op. cit., p. 24.
(10) MARION, op. cit.. Art. Gabelle. CHéRUEL, op. cit., Art. Gabelle.
Dr MÖCKELT, op. cit., p. 22. Vers le début du règne de Louis
XVI, sur une production moyenne de 725.000 quintaux, 500.000 passaient
à l'étranger, spécialement en Suisse et en Allemagne.
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