CAHIER DE DOLÉANCES DES PRÉVÔTÉS BAILLIAGERES DE SARREBOURG ET DE PHALSBOURG
INTRODUCTION

Chapitre II - Les Cahiers  (suite)

  § 4. Entretien des routes.
J.Morette

   Les deux prévôtés étaient traversées d'un bout à l'autre, de l'ouest à l'est, par la grand'route royale achevée au commencement du XVIIIe siècle. Cette route était destinée en premier lieu au transport des troupes et du matériel de guerre, mais elle devait aussi servir au transport du sel et d'autres marchandises. On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement ou plus tard la province se chargeât de l'entretien de cette route détériorée par le service du roi et  "que les grand'routes du Roi fussent payées par tous sujets du Roi.... car ils.... en ont tous besoin" (Lezey), d'autant plus que cette route située sur les frontières du royaume supportait par sa position  "le poids des guerres". Il n'en fut rien. Dès le principe (1728), les habitants des villages annexés  - les laboureurs avec leurs chevaux, bœufs et autres bêtes de trait et les manoeuvres -  étaient réquisitionnés pour travailler gratuitement à l'entretien de la grand'route. On leur imposait d'ordinaire 12 jours de corvées annuelles, dont la moitié devait être faite au printemps et l'autre moitié en automne, mais qui généralement se faisaient de suite. Ces corvées qui pouvaient s'étendre jusqu'à deux ou trois lieues et même au-delà, étaient en nature et n'atteignaient pas les habitants privilégiés des villes et villages, mais uniquement les paysans. Elles étaient une charge très lourde, surtout à cause des abus qui s'y introduisaient et de l'arbitraire qui y régnait (11).

   Leur conversion en une prestation pécuniaire qui ne pourrait excéder le sixième de la taille fut ordonnée à titre d'essai pendant trois ans par un arrêt du Conseil du 6 juin 1786. La Déclaration du 27 juin 1787 confirma et généralisa ce système, et au mois de juillet de la même année chaque communauté des deux prévôtés fut avertie, par une affiche apposée à la porte de l'église, de la somme à verser pour l'entretien des grandes routes, qui de Metz, Nancy, Dieuze et Saint-Avold conduisaient à Phalsbourg.
Cette imposition locale et temporaire fut ajoutée aux sous additionnels dont on avait déjà augmenté la subvention en faveur des ponts et chaussées et prit le nom de  "contribution pour les routes" ,  "travaux des routes" ,  "main-d'œuvre pour les routes",  " entretien et confection des routes" ,   "prestation des corvées". 
Le mécontentement causé par ce changement fut grand et trouva son expression non seulement dans l'Assemblée provinciale de Lorraine qui jugeait   " inhumain et barbare de demander aux malheureux un argent qu'ils n'ont pas et de refuser leurs bras qu'ils offrent"  (12) , mais aussi dans certains cahiers des communautés et pour donner plus d'autorité à ces plaintes et demandes, on invoque la charte accordée, le 2 novembre 1464, par Jean II, duc de Lorraine. Dans cette charte (Art. XVI), le duc, auquel la ville avait cédé le péage, promet aux habitants bourgeois de Sarrebourg d'entretenir la grand'route qu'on ferait passer par la ville (cf. cahier de la ville de Sarrebourg, Art. 6) (13).

   Les plaintes énoncées ci-dessus au sujet de l'entretien des routes ont leur complément dans la demande de plusieurs cahiers d'abolir le péage. Celui-ci appelé dans le langage du pays  " Weggeld"  (argent pour le chemin = péage) avait été établi sous prétexte de nécessité publique et était destiné primitivement à l'entretien des ponts et routes.
Les communautés se plaignent que les seigneurs qui le perçoivent ne satisfont pas toujours à leurs devoirs.

 

(11) Arch. dép. Meurthe-et-Moselle, C. 135. MARION, op. cit., Art. Corvée. L. BOUR, op. cit., p. 55.
(12) MARION, op. cit., ibidem. Dr MÖCKELT, op. cit., p. 51. En 1787, les sous additionnels pour ponts et chaussées et impositions accessoires rapportèrent pour la Lorraine la somme de 1.339.000 1. 2 s. 9 d. Ibidem. L'abbé MATHIEU, L'Ancien Régime dans la province de Lorraine, Paris, 1907, p. 172 et suivantes. En dehors des quatre exclaves susdites qui étaient assez éloignées du chef-lieu, les deux prévôtés bailliagères ont payé annuellement de 1787 à 1789 la somme de 4.580 livres 10 sols pour l'entretien des quatre routes royales conduisant à Phalsbourg et la construction de la route des verreries de Saint-Quirin.
(13) L'abbé WAGNER, op. cit., p. 60-63.

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